Un lieu de mémoire

Les témoignages

L'annonce du départ et les derniers jours à Drancy

Partir, disaient les anciennes, c’était aller à « Pitchipoï »

« Un soir, l’accès de notre chambrée fut obstrué par des rouleaux de barbelés. Le lendemain, nous aurions à quitter ce camp. Partir, disaient les anciennes, c’était aller à « Pitchipoï » [Pitchipoï est le nom yiddish qui désigne un petit monde imaginaire. Il est utilisé au camp de Drancy par les internés pour désigner la destination inconnue des convois de déportation vers l’est]. Personne ne savait ce que cela voulait dire, et nous pensions en réalité que nous irions en Allemagne, dans un camp de travail comme on nous l’avait dit. »

Simone Lagrange - Convoi n° 76 du 30 juin 1944

18 juillet, depuis la veille nous sommes parqués dans l'escalier 22

« 18 juillet, depuis la veille nous sommes parqués dans l'escalier 22, en quarantaine, sans contact avec les autres. Nous avions été appelés, priés de ramasser toutes nos affaires et de rejoindre l'escalier 22. La nuit s’est passée dans les chambres de cet escalier que nous avions peint il y a quelques jours. Dans ces chambres nous dormons à même le sol. Tôt le matin, rassemblement dans la cour interdite aux autres détenus. Derrière la grille du camp, des camions attendent pour nous amener à la gare de Bobigny. »

Gabriel Bénichou - Convoi n° 57 du 18 juillet 1943

sur les murs des chambrées badigeonnés à la chaux, nous avions gravé des inscriptions

« On nous avait prévenus la veille […] et ma mère m’avait dicté une lettre pour la famille. J’ai mis au verso de la feuille l’adresse d’un de mes oncles à Paris et celle d’une amie espagnole au Blanc-Mesnil et j’ai jeté la lettre sans enveloppe par-dessus le balcon, avec simplement la mention que la lettre venait de Drancy et que la personne qui la trouverait serait très gentille de la faire parvenir à l’une des deux adresses indiquées. J’ai aujourd’hui en ma possession cette lettre datée du 29 mai 1944. […]
Nous sommes donc là dans la cour, à peu près un millier de personnes, parquées, comme à chaque départ. Les jours précédents, sur les murs des chambrées badigeonnés à la chaux, nous avions gravé des inscriptions. La mienne disait : « Vengeance ! Nous reviendrons ! 26 mai 1944. »

Sarah Lichtsztejn-Montard - Convoi n° 75 du 30 mai 1944